Doutes

Parce qu'elle était humaine, parce qu'elle était lycan.
Parce qu'elle était femme, parce qu'elle était louve.
Pour s'attacher cette dualité, ce paradoxe,
Pour vibrer, pour être à même de choisir sa voie,
Pour quitter cette atmosphère étouffante,
Pour fuir ses instincts les plus criants...

Elle embrassa la nuit et goûta les étoiles...

Il faisait beau en cette nuit étoilée, la lune, un fin croissant d'argent, éclairait à peine les chemins, posant ça et là quelques gouttes de rosée immatérielles. Saisie par la beauté de l'atmosphère, Etheldréda ne put s'empêcher de vouloir sortir. Prévoyante, elle ne se vêtit, en tout et pour tout, que d'un manteau en laine, sorte de cape ample aux larges manches et au capuchon large qui, s'abaissant, formait une capeline sur les épaules. (ici) La jeune fille dédaigna les bougies et autres torches, son acuité visuelle s'étant grandement améliorée depuis sa métamorphose. Du haut de sa tour, elle activa un mécanisme révélant un passage dérobé, cachant une volée de marches s'enfonçant toujours plus bas dans les ténèbres. Elle posa le pied sur l'escalier.

La descente fut lente et méditative, l'obscurité et le silence étaient propices aux réflexions et Etheldreda se demanda, encore une fois, ce qu'il allait advenir de sa condition. Elle avait eu vent de rumeurs... Des chasseurs tous plus acharnés les uns que les autres... Des vampires, si condescendants... Elle soupire, pourvu qu'ils la laissent en paix, c'est tout ce qu'elle demandait... Bien sûr ils pourraient lui reprocher la disparition de quelques uns de leurs humains... Et après ? Lorsque le soleil cachait sa face, le monde appartenait aux prédateurs ! Peu lui importait que ces hommes, femmes ou enfants aient eu une famille, quelqu'un à qui manquer. Elle même n'était rien de plus que la flamme fragile d'une bougie au sein de la tempête. Et elle acceptait sa condition, s'adaptant aux temps du changement.

Elle y était, maintenant il lui fallait s'engager dans l'un des tunnels qui truffaient les sous-sols des terres du manoir comme les rats se frayant un chemin dans un nid de fromage. Ils sentaient l'humus, ils sentaient la terre, et ses sens furent invités, éveillés par ce sourd appel de la nature. Elle avançait toujours, et toujours dans le silence. Ses pieds nus foulaient le sol battu en silence, les sons étouffés. Quiconque ne connaissant pas intimement les plans de ces corridors se perdrait inexorablement sans espoir de retour à la surface. Mais elle avait veillé à tout. Les ouvriers engagés étaient étrangers, ne s'aventuraient pas dans les environs et New Born et surtout, Etheldreda avait veillé elle-même à s'assurer de leur éternel... Silence. Elle repoussa un os rongé du pied, machinalement.

Arrivée au bout de son périple, devant une porte imposante, de chêne massif, bardée d'acier, la jeune fille se permit un instant d'hésitation. Puis avança encore, passant le seuil, sa force était bien plus conséquente. Elle la referma soigneusement derrière elle, la verrouillant, et replaça l'habile camouflage de feuillage qui masquait l'entrée du dédale. Bien malin celui qui saurait déceler une quelconque porte là derrière. Les oiseaux continuaient de pépier dans les hauteurs, elle percevait chaque son, chaque chant, en adéquation parfaite avec la nature. C'est également pour ça qu'elle se mouvait entre les arbres sans bruit, bougeant avec la forêt, se déplaçant dans son souffle, au même rythme qu'elle.

Mais que serait une telle sortie sans en laisser la part à la bête qui sommeillait en elle. La jeune fille fit glisser la cape de ses épaules, se retrouvant nue comme au premier jour de sa vie. Elle leva la tête vers la lune, son intime confidente, et garda les yeux rivés vers elle tandis qu'elle glissait au sol pour se métamorphoser en une louve gracieuse au pelage argenté et blanc. Elle s'abandonna totalement et courut, encore et encore sous les frondaisons, légère, altière, seule mais surtout... Libre. Enfin.